Le réemploi des matériaux du bâtiment : une filière vertueuse d’économie circulaire, levier pour l’insertion des personnes éloignées de l’emploi

Elles coopèrent avec des acteurs ESS du territoire qui portent des activités de dépose sélective, collecte et vente de matériaux¹ pour répondre aux besoins croissants du secteur. 

Dans le cadre d’un parcours dédié aux structures de l’insertion souhaitant développer une activité de ce type, la Cress Bretagne a proposé deux visites pour découvrir les réalités de ces projets, échanger avec les personnes qui les portent, donner à voir les compétences mobilisables et mieux comprendre leur organisation.  

Un futur tiers-lieu, laboratoire de dépose sélective pour la commune de Pléguien 

Intéressée par le terrain de cette maison pour élargir les espaces extérieurs de l’école, la commune de Pléguien en a fait l’acquisition. L’idée de départ était de faire de logement mais très vite, l’envie d’en faire un tiers-lieu a grandi. « Ce projet est né du hasard » introduit l’élu chargé d’accueillir la visite. Le projet s’est alors construit en concertation avec les habitants autour de plusieurs usages : espace de co-working, espace associatif, repair café…. 

L’architecte retenu pour travailler sur le projet souhaitait « garder l’identité de la maison avec son style d’ancienne villa balnéaire ». Certains éléments pouvaient être enlevés avant de réhabiliter le bâtiment. L’architecte a alors fait appel à la recyclerie de matériaux Le Repair, avec qui ils ont déjà travaillé sur plusieurs chantiers. Mathieu Cirou, cofondateur du Repair, explique : « Quand on aborde une opération, on va toujours cibler l’opération sur notre capacité à faire et les exutoires² possibles ». Pléguien étant éloigné de son périmètre géographique d’intervention, Le Repair a fait appel à une structure membre du réseau animé par la Cress Bretagne, l’association Adalea, pour réaliser la dépose sélective³. Adalea est une association de lutte contre les exclusions qui développe depuis 2 ans une activité de dépose sélective portée par un chantier d’insertion.    

  

Pour l’architecte, « Le but est de faire la dépose en amont du chantier pour que ce soit plus facile et plus agréable ». Ainsi, Adalea avec l’appui du Repair ont pu intervenir sur une période de 15 jours début juillet. Ils expliquent : « Un point important, c’est la question du calendrier. La difficulté c’est d’arriver sur le chantier sans avoir eu le temps de l’organiser, de faire les tests… C’est la première opération qu’on aborde avec plus de sérénité grâce au temps pour faire le diagnostic ressource et construire la méthodologie ». Laurent Melet, directeur des Pôles Ateliers-Chantiers d'Insertion à Adalea, explique : « Dans le champ de l’insertion, il faut des consignes claires et s’appuyer sur des compétences existantes des personnes en insertion », il y a donc besoin de ce temps pour réaliser le diagnostic ressource et organiser le chantier. « Ce petit chantier nous a permis de tester des méthodes » explique Laurent Melet.  

Lors de la visite, deux salariés en insertion étaient présents. Ils témoignent : « Le but c’est de ne pas y rester, mais que ce soit tremplin ». « Partager les tâches, essayer de faire les choses bien pour tout le monde ait du travail, c’est ce que l’on souhaite ». 

 

De nouvelles opportunités pour accompagner les publics en insertion par le réemploi des matériaux du bâtiment 

Pour répondre aux besoins d’insertion socioprofessionnelle des habitants du pays de Dinan, l’association Steredenn a créé des ateliers et chantiers d’insertion. Face au besoin de développer des activités qui puissent toucher un autre type de public, notamment des personnes ayant des capacités physiques limitées, elle réfléchit à la mise en place d’une recyclerie avant d’avoir l’idée d’y adosser une matériauthèque. Par manque de soutien financier et politique, le projet de recyclerie n’a pas vu le jour mais le projet de matériauthèque a été maintenu et testé dans un local. Faisant vite face aux limites d’un local petit et non adapté à l’activité, l’association a déménagé pour développer l’activité dans une zone commerciale en périphérie de Dinan aujourd’hui en plein essor. La matériauthèque a ouvert en janvier 2021 dans un espace de 500m². Grâce à un partenariat avec Leroy Merlin et d’autres fournisseurs du BTP, l’association met en vente une diversité de matériaux issus de leurs invendus. Les aides financières du plan de relance⁴ ont permis d’embaucher de nouvelles personnes à la matériauthèque. 

 

   

 

Pour Yann Geindreau, directeur de Steredenn, « Le réemploi des matériaux est un secteur intéressant pour diversifier et développer les compétences ». Céline, membre de l’équipe du chantier d’insertion, témoigne : « On tourne sur les différents postes comme ça, on apprend un peu tout ». Malgré tout, « c’est une activité qui demande beaucoup de manutention et d’efforts physiques aux salariés d’où l’importance d’avoir une complémentarité dans l’équipe » rappelle Simon Dubus, encadrant technique. L’enjeu est donc de constituer une équipe avec des profils et des compétences complémentaire.   

Si l’activité est en plein développement depuis sa création avec un chiffre d’affaires multiplié par 4, l’association rencontre aussi quelques difficultés : le coût de l’énergie, des problèmes de stockage, le manque de relations avec la collectivité… L’enjeu aujourd’hui pour l’association est de nouer des partenariats solides avec des acteurs qui souhaitent soutenir et qui croient au projet.  

 

Notes

1: Consulter l'article : Acteurs et compétences du réemploi des matériaux dans l'ESS en Bretagne

2: L’exutoire final est le site de destination des flux de matériaux du bâtiment dans la chaîne de réemploi du bâtiment.

3: La déconstruction ou dépose sélective est organisée par type de matériaux et équipements. Elle intervient en amont de la démolition d'un bâtiment ou de sa rénovation, en s'appuyant de préférence sur un diagnostic ressources PEMD. La déconstruction sélective concerne les matériaux du gros œuvre comme ceux du second œuvre. L'objectif est de déposer tous les matériaux encore viables afin de les réemployer dans de nouveaux projets de construction, plutôt que de les jeter.

4: En 2020, le Gouvernement a lancé un plan de relance visant à transformer l’économie en investissant prioritairement autour de 3 priorités : l’écologie, la compétitivité et la cohésion.