Justice sociale alimentaire : une nécessité en Bretagne
La Bretagne, terre nourricière par excellence, est la première région agricole de France*. Pourtant, alors que les productions locales abondent, l’accès à une alimentation de qualité devient un luxe pour un nombre croissant de personnes. L’insécurité alimentaire s’est inscrite comme nouvel enjeu sociétal sous l’effet conjugué de l’augmentation du coût de la vie, de la stagnation des salaires et de la précarisation du travail. Aujourd’hui, de plus en plus de ménages doivent faire des arbitrages entre se loger, se chauffer et se nourrir.
Les banques alimentaires et les associations constatent une hausse continue du nombre de bénéficiaires et de nouveaux profils émergent : travailleurs et travailleuses pauvres, étudiant·e·s, jeunes actifs, familles monoparentales, retraité·e·s, mais aussi agriculteur·ice·s. La crise économique et l’inflation aggravent encore cette fracture alimentaire, creusant les inégalités entre celles et ceux qui peuvent choisir ce qu’ils mangent et ceux qui subissent.
Dans ce contexte alarmant, les initiatives d’économie sociale et solidaire (ESS) jouent un rôle clé. Elles favorisent l’accès à des produits sains et locaux, soutiennent les producteurs engagés et redonnent du pouvoir d’agir aux citoyen.ne.s : circuits courts, épiceries solidaires, groupements d’achats, jardins solidaires… autant d’alternatives qui œuvrent pour une alimentation plus inclusive et durable. Ces initiatives sont autant de lieux de rencontres, d’échanges et d’actions citoyennes mettant l’alimentation au cœur d’enjeux variés : approche environnementale, création du lien à la terre, découverte de produits… Les acteurs concernés interviennent en complément, voir en partenariat avec les distributeurs alimentaires en situation d’urgence.
Face à des précarités "silencieuses" et extrêmement variables selon les territoires, ces projets s’adaptent aux habitant.e.s, leurs envies et besoins.
Cependant pour démultiplier leur impact, ces initiatives doivent être mieux soutenues et articulées avec les politiques publiques et les dispositifs d’aide alimentaire. Il est nécessaire d’adapter les cadres réglementaires pour favoriser les synergies entre les acteurs de l’ESS, les collectivités territoriales et les structures d’aide alimentaire.
Cela passe par une reconnaissance accrue des Programmes Alimentaires Territoriaux (PAT) et une meilleure coopération entre les différents niveaux d’action et d’acteurs, le soutien à une transition agricole juste et environnementale, le développement d’ateliers de transformation et de solutions logistiques au plus près des producteurs et des habitants, ou encore le droit à l’expérimentation telle que la sécurité sociale alimentaire par exemple.
Fruit d’une collaboration avec l’Institut d’Agro Rennes-Angers, la Cress Bretagne propose une étude sur la Justice Sociale Alimentaire, afin de mieux en comprendre les enjeux, d’éclairer des initiatives locales inspirantes et d’être force de proposition pour des actions cohérentes auprès des habitant·e·s en lien avec les politiques publiques.
Ces changements ne pourront advenir qu’avec une mobilisation collective. Politiques publiques, entreprises, associations, citoyens: chacun.e doit prendre ses responsabilités pour renforcer ces dynamiques. Il est urgent de privilégier de nouveaux modes d’alimentation fondés sur le respect de la dignité des agriculteur·ice·s et des consommateur·ice·s, le droit de toutes et tous à une alimentation choisie et de qualité.
Bonne lecture
Michel Pier Jézéquel
Président de la Cress et Vice-président d'ESS France
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* En Bretagne, les élevages porcins et la production laitière représentent respectivement 51 % et 21 % des exploitations françaises. La Bretagne occupe le 2e rang pour la spécialisation avicole avec 21 % des exploitations, presque à égalité avec la Nouvelle-Aquitaine (22 %) et 3e région pour ses surfaces et productions de légumes (1ere région productrice de tomates).