Histoires collectives : une filière bois-énergie qui valorise le bocage
Au Nord-Ouest des Côtes d’Armor, dans le Trégor, la SCIC Bocagenèse regroupe 127 agriculteurs et collectivités et constitue une filière complète de production de bois énergie. Le leitmotiv de la coopérative est d’entretenir durablement le bocage, afin d’assurer son renouveau tout en assurant un juste prix d’achat et revente du bois, acceptable par tous les coopérateurs. De l’agriculteur aux clients, en passant par les transformateurs.
10 ans. C’est le temps qu’il a fallu à la SCIC Bocagenèse pour être à l’équilibre financièrement. Créée en 2013, à l’initiative de 5 EPCI (Etablissements publics de coopération intercommunale) du Trégor, celle-ci a bien grandi. Elle regroupe aujourd’hui 127 sociétaires costarmoricains : agriculteurs et agricultrices, collectivités locales mais également entreprises de transformations du bois, associations locales ou encore particuliers. Ces derniers composent une filière bois-énergie, gérant de manière durable le bocage du Trégor en transformant le bois de coupe (haies, arbres de bord de routes…) en énergie. « Notre filière est née d’un constat pragmatique : le Trégor est une zone agricole, densément bocagère où la problématique de gestion et préservation des bois s’est toujours posée. Certains agriculteurs utilisaient déjà cette matière première dans les chaufferies de leur exploitation. Les collectivités locales cherchaient à se saisir de cette ressource locale, dans une logique de coopération avec les acteurs en charge de l’entretien du bocage. De là est née la SCIC Bocagenèse ! », résume Lucie Le Breton, directrice de la coopérative, qui a participé au lancement du projet en 2013.
Aujourd’hui, la SCIC Bocagenèse regroupe 75 agriculteurs qui entretiennent durablement les haies et arbres des bords de route et de leurs champs. La matière première est broyée puis stockée pour la vente. Les plaquettes de bois alimentent ensuite les chaufferies, majoritairement collectives. L’agglomération Lannion Trégor Communauté fait partie des sociétaires et aussi l’un des clients de la SCIC. « De plus en plus de bâtiments publics choisissent ce mix énergie, notamment en raison de la hausse et de la volatilité du prix des énergies fossiles et de leur bilan carbone », ajoute Hervé Guélou, vice-président en charge de l’énergie de cette agglomération, également agriculteur en bio. Il poursuit, « c’est le cas de certains CROUS, de salles omnisports, de maisons de retraite du Trégor ou encore des hôpitaux de Lannion, Prestel ou Tréguier ».
Gestion durable du bocage
Si les clients de la coopérative ne sont pas obligatoirement sociétaires, les agriculteurs le sont. L’entrée dans la SCIC Bocagenèse se fait à hauteur d’une souscription de 500 euros, correspondant à 5 parts sociales. « Notre mission première, c’est la gestion durable et le respect du cycle de 10 ans de renouvellement du bocage. Nous accompagnons donc les agriculteurs pour les sensibiliser à cette bonne gestion, qui revêt un intérêt financier pour eux. Et pour la biodiversité, c’est indispensable puisque le bocage participe au maintien des paysages, à la préservation du cycle de l’eau et protège des aléas climatiques », confirme Lucie Le Breton.
Loin des effets d’aubaine qui peuvent inciter certains agriculteurs à couper et tronçonner à la hâte, la SCIC Bocagenèse prélève en fonction des besoins des collectivités, avec des prix garantis pour les agriculteurs. « La coopérative garantit aux agriculteurs un prix du bois en moyenne deux fois supérieur à celui du privé, tout en garantissant un prix d’achat de l’énergie concurrentiel pour les collectivités », confirme Jean Pierre Le Rolland, président de la SCIC, également à la tête d’une ferme laitière à Plougras (22). « Le travail de Bocagenèse fait durablement évoluer les mentalités des agriculteurs car elle donne (enfin !) un prix et une valeur au bocage », conclut ce dernier.
En avril 2023, une réunion de travail entre producteurs sur les coûts de production de la filière. De gauche à droite, Jean-Pierre le Rolland (agriculteur-producteur à Plougras et président de la SCIC, Hervé Guélou (vice-président à l’énergie de Lannion-Trégor Communauté), Benoit Sidaner (agriculteur-producteur à Bourbriac et Philippe Carmes agriculteur-producteur à Louargat). Les agriculteurs adhérents s’engagent à maintenir la ligne de vie des haies, grâce à une coupe raisonnée qui assure la protection de la biodiversité.
Question à Lucie Le Breton, directrice de la SCIC Bocagenèse
Selon vous, en quoi ce projet s’inscrit-il dans les valeurs de l’économie sociale et solidaire ?
« L’’intégration dans la SCIC de tous les acteurs de la filière (agriculteurs, transformateurs et clients finaux) rend notre démarche vertueuse, décorrélée d’une logique privée commerciale et des effets d’aubaine qui peuvent inciter à couper à ras le bocage. Nous avons défini un prix filière cohérent, que tous les acteurs, réunis en collèges, ont accepté après de nombreuses négociations durant les CA. Il garantit une bonne rémunération pour les agriculteurs avec la contrepartie d’entretenir durablement et de couper selon des méthodes de préservation des arbres. Tout le monde connaît la valeur du bocage et l’intérêt de le préserver. »
Contact : lucie@bocagenese.fr
Site internet (en construction)
Propos recueillis et rédaction : Céline Cadiou – Crédits Photos: SCIC Bocagenèse
