Histoires collectives : dans les Jardins solidaires, l’égalité passe par l’assiette
Dans les six jardins solidaires de Dinan, les bénévoles s’activent chaque semaine pour cultiver et récolter des légumes bio et de saison. Ils repartiront avec un panier rempli de produits frais, prêts à être cuisinés. Les trois quarts de la production seront distribués aux structures d’aide alimentaire du territoire. Un modèle qui promeut une agriculture durable, qui profite à toutes et tous.
A 75 ans, Joseph Argouarc’h a l’énergie de ceux que la conviction anime. Porté par son passé d’agriculteur finistérien, il a réussi en quelques années à monter l’association des Jardins Associatifs qui regroupe six parcelles maraichères dans la région de Dinan : à Languenan, Évran Saint-Samson-sur-Rance, Beaussais-sur-Mer et Quévert. Dans les jardins, les bénévoles de l’association participent toute l’année, à raison d’une fois par semaine, à la culture et à la récolte de légumes bio et de saison. Pommes de terre, carottes, salades, oignons… et aux beaux jours, tomates, courgettes ou encore poivrons.
Chacun participe et repart avec son panier
Dans les champs, le travail ne manque pas et les bénévoles sont nombreux. Le principe des jardins solidaires est simple : les bénévoles repartent à la fin de la matinée avec leur panier de légumes de saison et bio. Et chaque semaine, ce qui n’est pas emporté par les bénévoles est confié aux associations d’aide alimentaire du bassin dinardais, le Secours Populaire (vidéo) et la banque alimentaire en tête.
A l’issue de la matinée de récolte, une équipe du Secours Populaire vient dans les jardins pour charger la marchandise, qui sera distribuée dès le lendemain. Au centre, Joseph Argouarc’h accompagné de Michel, à sa droite. Crédit photo : Cress Bretagne
« Les bénéficiaires de ces structures peuvent ainsi se nourrir de légumes frais. Ce n’est pas parce qu’on a peu de moyens qu’on doit se contenter de produits transformés ou avec de pauvres valeurs nutritives ! » martèle Joseph Argouarc’h. L’initiative est d’ailleurs portée par Dinan Agglomération et les communes. Les parcelles sont mises à disposition par les communes, dont celles de Languenan, Saint-Samson, Lanvallay et d’Evran. « Nous soutenons le projet car nous avons compris l’intérêt de fonctionner en local pour fournir nos structures d’aide alimentaire », ajoute l’un des plus fervents défenseurs du projet, le maire de la commune d’Evran, Patrice Gautier.
Une passerelle entre 2 mondes
Même si le projet a convaincu Dinan Agglomération, son modèle économique reste encore à trouver. Les Jardins Associatifs cherchent des partenaires financiers. « Les projets réellement innovants dans leur approche ne sont pas forcément les plus simples à défendre et financer. En l’occurrence, l’association a créé un modèle unique en Bretagne en matière d’aide alimentaire : ici on ne parle pas de distribuer des surplus de grande surface ou de mettre en place le zéro déchet mais bien de produire avec et pour les bénéfiaires », commente Lysiane Balanant, chargée de mission agriculture et alimentation à la Chambre régionale de l’ESS, basée à Rennes. De fait, l’association est un pont entre le monde agricole et celui de l’aide alimentaire. Un pont qu’il convient de renforcer pour le voir se pérenniser. « Travailler avec des maraîchers locaux nous semble logique lorsqu’il s’agit de fournir en légumes ou produits locaux les maisons de retraite et les écoles du coin ! », complète l’élu.
Dans le jardin de Lanvallay, les publics se mélangent et forment un groupe soudé où chacun vient comme il est et apporte ce qu’il a. Crédit photo : Cress Bretagne.
Cultiver le lien social
Sur les parcelles, le public est varié : salarié·e·s en mal de verdure, retraité·e·s aux revenus modestes, bénéficiaires de structures d’aides ou encore migrant·e·s qui tissent dans les champs de nouvelles connaissances. « Ce qu’on veut dans nos jardins, c’est le mélange de tous les publics. C’est l’un des fondamentaux de notre association », complète Joseph Argouarc’h. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça fonctionne. Les mains dans la terre, les bénévoles s’amusent autant qu’ils travaillent. L’’entrain fait le reste. L’an passé, les Jardins solidaires ont récolté plus de 30 tonnes de légumes.
Le lien, l’échange et la solidarité font partie des valeurs portées par l’association. Crédit photo : Cress Bretagne.
Près de 75% des récoltes ont été récupérés par le Secours Populaire, le CCAS de Lanvallay, celui d’Evran et la Banque alimentaire », complète Bertrand Evain, ancien moniteur en ESAT en production maraichère, qui supervise le jardin de Lanvallay. L’association a de fortes ambitions puisqu’elle souhaiterait, à terme, couvrir tous les besoins en légumes des huit associations d’aide alimentaire présentes sur Dinan Agglomération.
« Cela représente 2 600 personnes, soit près d’une centaine de tonnes de légumes à produire par an, sur une base de 50 % des besoins que nous avons estimé à 109 kg par an. Ce qui est largement supérieur à la moyenne de consommation des français, qui est plutôt autour de 46 kg », ajoute Joseph.
Question à Joseph Argouarc’h, président des Jardins Associatifs
Selon vous, en quoi ce projet s’inscrit-il dans les valeurs de l’économie sociale et solidaire ?
« Dans nos jardins, tous les bénévoles se mélangent, il n’y a plus de statuts, chaque voix à la même valeur et respecte les mêmes règles, qu’on ait des difficultés financières ou non. C’est cette idée d’ouverture et de tolérance qui guide nos actions. Fournir des légumes frais et de qualité aux structures alimentaires, cela valorise aussi le travail des bénévoles de ces associations qui sont fiers de ce qu’ils peuvent proposer. De plus, les bénéficiaires peuvent participer à produire ces denrées alimentaires de qualité. C’est un cercle vertueux que nous tentons de créer autour des légumes bios, qui sont un formidable vecteur d’optimisme. »
Rédaction: Céline Cadiou - Crédit photo : Cress Bretagne