Vers la reconnaissance de la musique traditionnelle bretonne comme commun culturel
L’articulation entre propriété intellectuelle et biens communs, dans le contexte des pratiques artistiques et culturelles communautaires fondées sur des répertoires qualifiés de « tradition populaire », constitue aujourd’hui un enjeu culturel et sociétal majeur. Le monde de la musique traditionnelle bretonne est pleinement concerné, en témoignent les litiges opposant artistes et collectifs autour des questions de propriété intellectuelle.
Pour tenter d’apporter des éléments d’éclairage de cette problématique et dessiner des pistes de solutions, la société d’innovation sociale et culturelle AèDE, en partenariat avec la Cress, a réalisé une étude explorant l’idée d’un modèle alternatif de création et de gouvernance culturelle fondé sur la logique des communs culturels.
Les premiers résultats de l’étude
À la suite d’un diagnostic et d’une concertation territoriaux, le projet Égide s’est structuré en partenariat avec le Laboratoire d’économie CREM (Université Rennes) et Denez Marchand (élu à la Culture au Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine). Il a pu voir le jour, grâce au financement de l’appel à projet Emergence (Tissage). Un travail de master, mené dans le cadre d’un stage réalisé par Lucie Hild, a permis de mieux comprendre les enjeux de reconnaissance des pratiques de créations et d’interprétations tout en les inscrivant dans une culture partagée fondée sur le collectif et la transmission.
L’étude menée par Lucie Hild confirme la vitalité du milieu des musiques traditionnelles bretonnes, animé par une grande diversité d’acteurs (musiciens, associations, structures fédératives, festivals et médias locaux) et reposant sur un engagement bénévole fort. Elle met cependant en évidence plusieurs fragilités : une précarité des professionnels du secteur, une dépendance aux financements publics et une difficulté à construire une stratégie concertée.
Elle confirme, enfin, que le droit de la propriété intellectuelle s’adapte mal à des pratiques issues de la transmission orale. Les logiques de création collective et de circulation libres des œuvres entrent en tension avec le droit d’auteur individuel. Ces incertitudes juridiques freinent la coopération et la transmission et elles posent plus largement la question de l’équilibre entre protection individuelle et préservation du patrimoine commun.
Il en découle qu’il apparaît nécessaire de clarifier les règles d’usage, de transmission et de reconnaissance des œuvres traditionnelles — qu’elles soient reprises dans leur forme originale, arrangées ou qu’elles servent d’inspiration à de nouvelles créations — afin d’assurer à la fois la diversité des pratiques et la durabilité économique du secteur.
Vers une recherche participative sur les communs culturels
Cette première phase du projet ouvre des perspectives prometteuses dans le cadre d’un changement de paradigme de la reconnaissance des musiques traditionnelles bretonnes. Elle invite à repenser les cadres économiques et juridiques du secteur, en plaçant la coopération et la participation au cœur de la durabilité. Deux axes structurent la poursuite du programme :
- un volet de recherche fondamentale, destiné à préciser le cadre conceptuel et juridique des communs culturels appliqués aux musiques de tradition orale ;
- un ensemble d’expérimentations de terrain, menées avec les acteurs culturels bretons pour tester de nouveaux outils de gouvernance et de reconnaissance collective.
Cette démarche vise à instaurer une co-construction entre chercheurs et praticiens et à poser les bases d’une gestion concertée des ressources culturelles communes. La poursuite du programme en 2025–2026 permettra de renforcer les partenariats, d’élargir la participation des acteurs et de formaliser un cadre collectif de gestion et de valorisation du patrimoine musical breton, susceptible d’inspirer d’autres initiatives culturelles fondées sur la logique des communs.
> Téléchargez la note de cadrage de l'étude
Contact
Marion Michelin - Responsable du pôle innovation-filières et Recherche - mmichelin@cress-bretagne.org
