Rapport moral et d’orientation 2024
Depuis quelques semaines, nous assistons à une attaque massive, décomplexée, préoccupante, à l’encontre de corps intermédiaires historiques tels les Cress, ESS France, les CESER (conseil économique, social, environnemental régional), etc. L’offensive est avant tout une radicalisation politique contre ce que représente l’ESS ; le Rassemblement national et une certaine droite républicaine ont, tout simplement, imaginé par la loi de simplification économique supprimer les Cress. C’était sans compter sur la forte mobilisation des acteurs, des Cress et de ESS France en particulier, pour mobiliser les député·e·s sensibles à l’importance de nos organisations de l’ESS, pour mettre un terme à ces attaques, face auxquelles nous saurons être vigilant·e·s et mobilisé·e·s dès qu’elles se reproduiront.
Les détracteurs des corps intermédiaires prônent une relation directe entre décideur·se·s politiques et citoyen·ne·s. Cette vision, ce projet, est celui d’une société individualisée, atomisée. C’est une conception délétère de la démocratie dans laquelle il n’y a plus d’espaces pour la construction collective d’une opinion argumentée, de projets collectifs. Le rapport aux citoyen·ne·s devient un rapport consumériste, celui de la compétition, de la concurrence entre individus et non celui de la coopération. Cette approche conduit au rejet de l’autre et des plus fragiles en particulier. L’intérêt général n’est vu que comme le fruit de la décision des élu·e·s, issu d’une seule démocratie représentative. Or la démocratie ne se limite pas à un passage périodique aux urnes lors des échéances électorales.
ESS France et les Cress sont des organisations majeures de la société civile. Elles contribuent fortement au débat démocratique et au développement de notre économie. Elles doivent vivre au quotidien pour faire société et cultiver le bien vivre ensemble sur les territoires.
L’offensive est également économique et conduit, par refus d’aller chercher l’argent là où il est, l’État et les collectivités territoriales à réaliser des coupes sombres dans les budgets publics faisant des associations en particulier, les premières victimes quand la fortune des milliardaires français augmente de 13 millions d’euros par jour.
Ce manque de vision à long terme conduit au véritable plan social à bas bruit qui est à l’œuvre. Lorsque certains services auront disparu, nous mesurerons alors leur impact. Impact en termes de services rendus, mais également de démocratie, tant le fait associatif en est une composante essentielle, tant il représente la coopération, le travail collectif, et donc le lien social dans les territoires.
L’offensive est encore économique lorsque le travail de nombreuses entreprises de l’ESS, dans le champ de l’économie circulaire, du réemploi et de l’insertion, est remis en cause par l’intermédiaire des appels d’offres, tels les éco organismes qui font le choix de grands groupes privés, comme le montre la situation du groupe ENVIE.
Toute l’économie sociale et solidaire bretonne se trouve affectée par ces orientations.
Dans ce contexte, nous devons faire entendre notre voix, nous mobiliser, nous unir pour contrer ces choix, en allant notamment à la rencontre des jeunes qui feront l’avenir de l’ESS.
A ce sujet, nous pouvons être quelque peu interpellés par des indicateurs d’une jeunesse qui se laisse embarquer par le discours dominant et individualiste. Une récente étude de l’institut Montaigne nous dit qu’il n’existe pas une mais des jeunesses, aux attentes et aux parcours parfois très variés. Les trois échantillons de jeunes interrogé·e·s dans le cadre de cette enquête (16-20 ans, 19-22 ans et 25-30 ans) reflètent cette diversité et permettent une analyse précise de la relation des jeunes au travail à différentes étapes de leur vie active.
Leur première motivation est, comme nous pouvons l’imaginer, la rémunération et la conciliation vie personnelle / vie professionnelle, pour autant il·elle·s sont également attaché·e·s à de bonnes conditions de travail.
Si le secteur le plus attractif à leurs yeux est celui du luxe, notons que le travail dans les associations apparaît en quatrième position.
Par ailleurs, près d’un·e jeune sur deux (49%) ne se reconnaît dans aucun parti, tandis que ceux·celles qui expriment une préférence penchent massivement vers les extrêmes : 33% vers la droite radicale, 25% vers la gauche radicale.
Il nous appartient donc de leur démontrer, par nos pratiques et nos engagements qu’une autre voie est possible et plus intéressante pour un monde au lien social développé, à la valorisation de projets collectifs, pour une société plus égalitaire, pour un mieux vivre ensemble, pour un monde plus apaisé.
Le mandat qui s’achève aura tenté d’agir en ce sens ;
Le travail sur l’écosystème singulier breton Cress, Pôles, TAg, aura permis de construire une organisation plus efficiente pour la mobilisation collective, pour faire mouvement citoyen en faveur du déploiement de l’ESS.
Ce travail nous a permis de préciser la vision que collectivement nous avions de l’ESS, de structurer l’offre de services sur l’accompagnement des porteurs de projets, les démarches de progrès (égalité, gouvernance, transition écologique, qualité de l’emploi…), les coopérations économiques et les achats responsables. Il nous aura également montré la difficulté à animer du commun quand les logiques de structure peuvent avoir tendance à prendre le dessus.
Nous avons pris des positions politiques, plus fortes, plus collectives et plus systématiques pour affirmer ce que nous sommes et défendons (publications sur les réseaux sociaux, newsletter, structuration de la fonction plaidoyer, interpellation de nos parlementaires…)
La Cress Bretagne se sera fortement impliquée au niveau national en travaillant sur ce qui fait le commun du réseau des Cress (statuts, feuille de route…), dans le nouveau bureau d’ESS France sous la présidence de Benoît Hamon, sur des dossiers touchant à ma vice-présidence au développement territorial (PTCE (pôles territoriaux de coopération économique), ASER (achats socialement et écologiquement responsables), stratégie nationale d’accompagnement), dans la contribution à différents rapports nationaux (rapport Schiappa sur les Cress, rapport de la Cour des comptes, etc.)
La Cress Bretagne se sera mobilisée à l’international en participant activement au GSEF (Forum mondial de l’ESS) à Dakar et dans la préparation du prochain GSEF qui se tiendra à Bordeaux les 29, 30 et 31 octobre 2025.
Durant ce mandat, les partenariats solides avec le Conseil régional, le Département d’Ille-et-Vilaine, l’Etat en région et les acteurs de l’ESS auront permis à la Cress d’animer la stratégie régionale de l’ESS et de mettre en œuvre ses priorités ; le développement des filières maritimes, agricoles, alimentaires, du bien vieillir (incubation et sortie de Kozh Ensemble), la consolidation des activités de l’économie circulaire.
Mais dans le contexte actuel, nous avons dû également assumer l’arrêt du Cric, coopérative régionale par laquelle nous étions précurseurs et innovants, l’arrêt récent de la mission « transition écologique » et celui de l’observatoire régional de l’ESS.
Dans ce contexte difficile, n’oublions pas que l’ESS est dotée d’une forte capacité de résilience, qu’elle est combative. Nous saurons faire entendre notre voix par nos pratiques, par nos prises de paroles, par des actions revendicatives à imaginer.
Les prochaines échéances électorales seront une nouvelle opportunité de nous engager pour défendre nos convictions.
Je terminerais ce rapport moral en vous remerciant sincèrement ; adhérents et administrateur·rice·s de la Cress, adhérents, administrateur·rice·s et professionnel·le·s des pôles, partenaires, sans oublier l’ensemble de l’équipe de la Cress sous la direction de Grégory Huchon, pour votre fort investissement qui permet à la Bretagne d’être encore et toujours la première région de France en ESS.
Je vous remercie.
Michel Pier Jézéquel
Président de la Cress et Vice-président d'ESS France
Pour tout savoir sur le projet et les activités de la Cress > Téléchargez la Cress en action 2025