La démocratie en question
A l’heure où j’écris ces lignes, les citoyen·ne·s français·es sont dans l’attente du positionnement du conseil constitutionnel quant à la réforme des retraites, validée sans l’accord des député·e·s, en référence à l’article 49, alinéa 3 de la constitution, communément appelé « 49.3 ». C’est la onzième fois que la première ministre du second mandat d'Emmanuel MACRON utilise cette méthode et cela en un an. Sans entrer dans ce qui fait débat au sein de cette réforme, on ne peut que s’interroger et s’inquiéter de l’exercice de la démocratie dans notre pays.
Pour rappel*, la démocratie est « un Régime politique fondé sur le principe que la souveraineté appartient à l'ensemble des citoyens, soit directement (par des référendums), soit indirectement par l'intermédiaire de ses représentants élus. Les élections doivent se tenir au suffrage universel, de façon régulière et fréquente. La démocratie suppose l'existence d'une pluralité d'options et de propositions, généralement incarnées dans des partis et des leaders ayant la liberté de s'opposer et de critiquer le gouvernement ou les autres acteurs du système politique. Une démocratie existe donc qu'en autant qu'on y trouve « une organisation constitutionnelle de la concurrence pacifique pour l'exercice du pouvoir » (Raymond Aron). La démocratie exige aussi que les grandes libertés soient reconnues: liberté d'association, liberté d'expression et liberté de presse. Juridiquement, une démocratie s'inscrit dans un État de droit ; culturellement, elle nécessite une acceptation de la diversité ».
Dans ce dossier relatif aux retraites, il est inquiétant de voir comment ont été conduit les débats, privilégiant les oppositions et divisions et réfutant les confrontations de points de vue. Notre président justifie son approche par sa légitimité exprimée dans les urnes en 2022, précisant que le peuple, s’exprimant dans la rue, n’en avait aucune à ce stade. Comme précisé plus haut, en démocratie la souveraineté appartient à l’ensemble des citoyen·ne·s.
Certes elle s’exerce par l’intermédiaire, notamment de notre président élu au suffrage universel et à son gouvernement, mais il est cependant utile de rappeler que l’élection présidentielle de 2022 s’est déroulée avec un taux d’abstention record de 28 %, et que dans les 66% de votes exprimés (hors blancs et nuls), une bonne part, encouragée par différents mouvements et partis politiques, concernent des votes de rejet de la candidature de l’extrême droite, considérée justement comme peu démocratique.
Dans cette situation, nous pouvons considérer que la légitimité de notre président et de son gouvernement est toute relative et qu’il eut été important de le prendre en compte, pour laisser de l'espace à l’expression citoyenne (plus de 71 % des Français·e·s opposé·e·s à la réforme selon les sondages).
Au-delà d’une définition, la démocratie relève d’une expérience vécue. Les acteurs et actrices de l’ESS et de l’éducation populaire en particulier le savent bien.
L’engagement citoyen au sein d’organisations, associatives, syndicales..., pour faire aboutir des projets collectifs, suppose, à partir de différents intérêts individuels exprimés, l’émergence de propositions s’érigeant au niveau de l’intérêt général. L’exercice démocratique ne saurait faire fi de ce que nous désignons sous le terme de « corps intermédiaires », dont l’objet est de donner une légitimité à l’expression citoyenne entre deux élections.
*Citation de l’Ecole de Politique appliquée, Université de Sherbrook
Michel Jézéquel
Président de la Cress et Vice-président d'ESS France
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Illustration : Ewen Prigent - La Boîte Graphique